Le pire a été évité, puisqu’un accord unit désormais les Dix-Sept de la zone euro. Si le soulagement est palpable, les élus de gauche, mais aussi de droite, ne cachent pas leurs nombreuses inquiétudes. Relations avec la Chine, lacunes démocratiques, insuffisance des mesures… Les critiques pleuvent.
L’exercice redoutable d’endurance auquel les dirigeants se sont livrés a abouti à un plan qui répond aux trois priorités attendues : décote d’au moins 50% subie par les détenteurs de dette grecque, démultiplication des effets du Fonds de secours (FESF) et recapitalisation des banques. Sans surprise, le gouvernement a immédiatement salué l’accord décroché par les Dix-Sept : C’est « une réponse ambitieuse, globale et crédible » à la crise, pour le ministre des Finances François Baroin, « un accord complet » pour le Quai d’Orsay, une « très bonne étape » pour le ministre de la Défense Gérard Longuet.
De son côté, le candidat socialiste à l’élection présidentielle François Hollande a reconnu qu’un « accord, même au bout de la nuit, était nécessaire. De ce point de vue le pire a été évité ».
Mais des inquiétudes croissantes sur le rôle que les États émergents sont appelés à jouer se font jour. La Chine ou encore le Brésil pourraient en effet être sollicités pour abonder un fonds ad hoc (« véhicule spécial ») dont le but serait de contenir le risque de contagion aux pays fragiles comme l’Espagne ou l’Italie par exemple.
Bricolage
Comme à son habitude, l’eurodéputé Daniel Cohn Bendit a réagi avec fougue. Au lieu de « la mise sur le marché d’eurobligations qui permettraient à l’Europe une communautarisation de la dette et de la possibilité d’investissement, on a choisi de se livrer pieds et poings liés aux pays émergents », a dénoncé l’élu écologiste. Cette « aberration chinoise (est) ridicule ».
Un point de vue largement partagé par les socialistes, qui redoutent les répercussions d’une telle interdépendance avec les bailleurs non-Européens.
« Les modalités de cette intervention sont d’une imprécision regrettable. Ni le montant exact, ni les conditions de sa mise en œuvre ne sont clairs. Mais surtout l’annonce de la participation de grands États extérieurs à l’Europe, dans la mise en œuvre de ce fonds, est profondément troublante », a ajouté François Hollande.
Au-delà même des craintes suscitées par l’Asie, la philosophie globale de l’accord est sujette au débat. Pour contrer la crise des dettes souveraines, l’UE aurait pu « créer un Trésor européen » capable d’émettre de la dette européenne afin de « se substituer, totalement ou partiellement, aux nouvelles émissions de dettes nationales », suggère Pascal Canfin, europdéputé écologiste. « C’est ce saut fédéral que les États-Unis ont fait il y a plus de deux siècles et que les responsables politiques européens ne sont toujours pas capables de réaliser », déplore-t-il sur son blog. « Résultat, il a fallu bricoler. »
Enceinte démocratique
Si l’accord est conçu comme une réaction d’urgence, il omettrait également d’envisager la sortie de crise autrement que par la poursuite des cures d’austérité. Pour Pascal Canfin, l’UE se prive de « ressources financières colossales » en ne mettant pas fin à l’évasion fiscale.
D’autres lacunes sont pointées par la voix de Jean-Michel Baylet, président du parti radical de gauche. « La zone euro est sauvegardée » mais « sans régler les problèmes de fond : gouvernance, croissance, rôle et mission de la BCE », conclut-il.
Les décisions sont contestées sur le fond, comme sur la méthode. Lors de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg, Sylvie Goulard, de l’ADLE, a réclamé une meilleure prise en compte du Parlement européen, « enceinte démocratique » mise de côté alors que le sommet a été interrompu pour rendre compte des futures décisions devant le Bundestag allemand.
Pour le président souverainiste de Debout la République, Nicolas Dupont-Aignan, l’approche des dirigeants européens est un « véritable tremblement de terre démocratique ». « C’est un bras d’honneur terrible aux citoyens européens qu’on plonge dans le même temps dans une austérité sans précédent », a-t-il lâché.
Ces mesures ont été adoptées « sans aucun débat ou consultation populaire, à l’image de cette nouvelle « gouvernance » de l’Europe, parfaitement anti-démocratique. Au nom de laquelle on annonce déjà une nouvelle modification des traités », a renchéri Attac. En réaction au G20, l’organisation altermondialiste présentera la semaine prochaine une initiative en faveur d’un « audit citoyen de la dette publique« , fondé sur la prise en compte de certaines pratiques (évasion fiscale, réduction d’impôts…) dans le déséquilibre des comptes nationaux.